Dans divers contextes où les normes productivistes imprègnent de plus en plus toutes les échelles des systèmes de production alimentaire, je propose de décrire les manières dont les agriculteur∙ices fondent leurs choix agricoles, s’ajustent en fonction diverses dimensions agronomiques, écologiques et des aspects liés à la transformation des produits, à l’organisation sociale et à l’accès à la terre. La nécessité de construire une agriculture moins destructrice du vivant et plus résiliente face à la crise écologique m’amène dans cette thèse à explorer le rôle des valeurs, c’est-à-dire la façon dont les agriculteur∙ices donnent un sens à leur action et en redéfinissent une orientation désir-able, dans un contexte socio-culturel donné. Dans la perspective que l’agroécologie ne peut être fondée uniquement sur une évaluation experte orientée vers des indicateurs économiques et écologiques, mon travail vise à identifier les approches pouvant rendre compte des différents rapports aux plantes dans les choix faits par des agriculteur∙ices. L’agrobiodiversité comprend les valeurs des différentes espèces cultivées mais aussi de leur façon de faire système, c’est-à-dire où elles sont comprises dans des interactions. Dans cette thèse, je mène tout d’abord un travail de synthèse bibliographique des valeurs multiples de l’agrobiodiversité pour faire un état des lieux des valeurs décrites dans les publications scientifiques récentes, et de la manière dont elles sont étudiées (Chapitre 1). Les résultats obtenus relativisent la prédominance des valeurs économiques et productives reliées aux pratiques et aux choix de cultures, et rendent compte au contraire de la diversité des valeurs du point de vue des agriculteur∙ices. Je complète cette approche avec deux enquêtes de terrain dans le nord-ouest du Maroc et dans le sud des Alpes françaises. Mon objectif est de décrire les valeurs interagissent avec les multiples dimensions d’un système local, du champ au territoire : valeurs, pratiques, contextes socio-écologiques, et agrobiodiversité, des variétés aux espèces et à leur diversité. Pour cela je me suis appuyée sur différents apports théoriques et méthodologiques de l’anthropologie et de la philosophie pragmatique des valeurs et des pratiques de terrain en géographie et en l’ethnoécologie Je mets en évidence que l’agrobiodiversité est façonnée par les interactions sociales liées à la terre, au-delà des motivations directement liées à la culture de certaines plantes. Les savoirs locaux organisationnels ont aussi leur importance dans la compréhension des dynamiques de l’agrobiodiversité (Chapitre 2). Les agriculteur∙ices prennent en compte les multiples composantes sociales, environnementales, culturelles, climatiques, économiques et politiques du socio-écosystème pour répartir leurs cultures dans l’espace et dans le temps. Ces valeurs sont dynamiques dans le temps et se recomposent par des changements de pratiques agricoles s’opposant aux limites de l’agriculture industrielle, créant de nouveaux attachements et identités. (Chapitre 3). Mon travail questionne ainsi les conditions du maintien de multiples valeurs et de l’agrobiodiversité dans un contexte d’instabilité écologique et économique.