Technologie, pollution, environnement
Résumé
Pour éviter la fin du monde », c'est ainsi que s'intitulait l'éditorial du numéro spécial que le Nouvel Observateur consacra au premier Sommet de la Terre, tenu à Stockholm du 6 au 16 juin 1972 sous l'égide des Nations Unies (Le Nouvel Observateur, 1972). Ce sommet, de son nom officiel « United Nation Conference on the Human Environment », réunissant les représentants de 132 pays, témoignait d'une prise de conscience planétaire de la finitude des ressources offertes par la Terre et de l'étendue des problèmes sociaux et environnementaux engendrés par la « société industrielle occidentale » (Speth, Haas, 2006). « Au nom du progrès qui faisait la spécificité et la fierté des hommes, a commencé la plus gigantesque entreprise de destruction qu'une espèce ait jamais menée contre le milieu qui soutient la vie et contre la vie elle-même », affirmait ainsi Alain Hervé (1972), l'auteur de l'éditorial. Il reprenait là un argument déployé par des myriades de mobilisations environnementales qui avaient vu le jour dans différentes parties du monde à partir des années 1960 et qui articulaient souvent une prise de conscience écologique avec des engagements contre le capitalisme et l'impérialisme occidental. Parmi les causes dénoncées de cette « entreprise de destruction » se trouvaient en très bonne place les pollutions à l'échelle locale et globale que la surveillance environnementale de certains polluants -radioéléments, certains pesticides organochlorés et PCB avait mis à jour. Désormais, plus aucun espace, même les plus éloignés de toute activité humaine, ne semblait pouvoir échapper aux flots des polluants environnementaux, dont certains champs scientifiques et leurs nouvelles méthodes montraient qu'ils étaient non seulement capables de parcourir de très longues distances, mais également d'affecter les organismes vivants de manière très insidieuse, jusque dans leur ADN et dans la régulation de leurs fonctions biologiques fondamentales (Craeger, 2014 ; Frickel, 2004 ; Von Schwering, 2015). Ce sommet de Stockholm fit date et fut l'un des moments de reconnaissance publique de deux siècles de pollutions de l'environnement engendrées par des activités technologiques et industrielles et de leurs effets délétères sur tous les écosystèmes et les corps humains. Aujourd'hui, plus de quarante ans après ce sommet, malgré l'essor de multiples régulations nationales et transnationales, de nombreux travaux montrent la poursuite de l'expansion planétaire des pollutions -même si leur ampleur et leurs effets toxiques varient géographiquement et socialement.
Dans le cadre limité de ce chapitre, et sans prétendre à une quelconque exhaustivité, nous proposons d'examiner comment une histoire globale peut étudier les rapports entre technologie, pollution et environnement. Nous examinons en particulier 442694GWV_TECHNIQUES_CC2021_pc‧indd 799 442694GWV_TECHNIQUES_CC2021_pc‧indd 799