Becoming an asylum seeker on the grounds of sexual orientation and preserving one's sexual health : The weight of social dispositions and assignments in migratory and homosexual careers
Devenir demandeur d’asile au motif de l’orientation sexuelle et préserver sa santé sexuelle : Le poids des dispositions et assignations sociales dans les carrières migratoires et homosexuelles
Résumé
The 2010s marked a turning point in HIV prevention. The historic emphasis on condom promotion is being replaced by screening and access to multi-drug preventive therapies, aimed at "key" populations. Among the latter, with the exception of a privileged fringe of men who have sex with men (MSM), injecting drug users, sex workers and migrants are rarely present in hospital screening centers. How are these populations reached? To what extent are they reached by the initiatives implemented? How are the incentives received by these people, and what is their experience of them?This thesis work is based on a multi-sited ethnography conducted in Île-de-France between March 2018 and March 2023 among French-speaking men from West Africa seeking asylum in France on the grounds of sexual orientation. Entering the field as an employee of an HIV prevention association deploying screening and treatment access actions for these men enabled the study of issues relating to the implementation of preventive policies and the establishment of trusting relationships with key informants. These facilitated the creation of a group of sixteen men with whom regular exchanges and repeated interviews were conducted throughout their asylum procedure. The autobiographical narratives thus produced shed light on how social and family environments, as well as educational and economic dispositions, shape experiences of homosexuality in the country and migratory paths. The experiences of applying for asylum in France documented in exchanges with the interviewees, but also observed as a volunteer in an LGBTI association specializing in support for the asylum application process and a partner in the screening system, provide information on the conditions of survival and preparation for administrative tests throughout the procedure.The ethnography of the interweaving of sexual, migratory and asylum-seeking careers, and the obstacles encountered in conducting the survey to study them, ultimately leads to two main lines of analysis. The first, centered on a comparative approach to life courses and experiences, reveals the influence of educational, economic and (homo)social resources at home on sexual and migratory careers. These resources influence migration experiences, administrative and material reception conditions on arrival in France, survival strategies and levels of dependence on the heterosexist social worlds frequented, as well as the greater or lesser ease of recourse to screening or support in the asylum application procedure in LGBTI universes. The second axis reveals the discrepancy between the expectations of respondents and those of asylum or prevention officers in their face-to-face interactions, and the resulting misunderstandings. On the one hand, institutions are focused on identifying "real" homosexuals, those deserving refugee status or in greater need of sexual health care than others. On the other, applicants are - for the most part, and most of the time - engaged in a logic of resistance to this injunction to display their sexual orientation. To what extent does the observed gap in expectations produce a form of blindness to the experiences of exile? By reconstructing the careers within which these experiences take place, the thesis seeks to shed light not only on the effects produced by these divergent expectations, but also on their social and political construction.
Les années 2010 constituent un tournant dans la prévention de l’infection à VIH. L’historique promotion du préservatif marque le pas au profit du dépistage et de l’accès aux multithérapies préventives, en direction des populations « clés ». Parmi ces dernières, à l’exception d’une frange favorisée d’Hommes ayant des relations sexuelles entre hommes (HSH), les personnes usagères de drogues injectables, travailleuses du sexe ou migrantes sont peu présentes dans les centres de dépistage hospitaliers. Comment s’organise l’atteinte de ces populations ? Dans quelle mesure sont-elles touchées par les actions mises en œuvre ? Comment les dispositifs incitatifs sont-ils reçus par les personnes et quelles expériences en font-elles ?Ce travail de thèse repose sur une ethnographie multi-située conduite en Île-de-France entre mars 2018 et mars 2023 auprès d’hommes francophones originaires d’Afrique de l’Ouest, demandant l’asile en France au motif de l’orientation sexuelle. L’entrée sur le terrain en tant que salarié d’une association de prévention du VIH déployant des actions de dépistage et d’accès aux traitements à l’attention de ces hommes a permis d’étudier les enjeux relatifs à la mise en œuvre des politiques préventives et de nouer des relations de confiance avec des informateurs clés. Ces dernières ont facilité la constitution d’un groupe de seize hommes avec qui des échanges réguliers et des entretiens répétés ont été menés pendant la durée de leur procédure de demande d’asile. Les récits autobiographiques ainsi produits éclairent la manière dont les environnement sociaux et familiaux, ainsi que les dispositions scolaires et économiques façonnent les expériences de l’homosexualité au pays et les parcours migratoires. Les expériences de la demande d’asile en France documentées dans les échanges avec les enquêtés, mais également observées en tant que bénévole d’une association LGBTI spécialisée dans l’accompagnement à la procédure de demande d’asile partenaire du dispositif de dépistage, renseignent sur les conditions de survie et de préparation aux épreuves administratives tout au long de la procédure.L’ethnographie de l’imbrication des carrières sexuelles, migratoires et de demande d’asile, et des obstacles rencontrés dans la conduite de l’enquête pour les étudier, débouche finalement sur deux principaux axes d’analyse. Le premier, centré sur une approche comparative des parcours et expériences de vie, révèle l’influence des ressources scolaires, économiques et (homo)sociales au pays sur les carrières sexuelles et migratoires. Ces ressources pèsent sur les expériences de migration, les conditions administratives et matérielles d’accueil à l’arrivée en France, les stratégies de survie et le niveau de dépendance à l’égard des mondes sociaux hétérosexistes fréquentés, ainsi que sur le recours plus ou moins aisé au dépistage ou à l’accompagnement à la procédure de demande d’asile dans les univers LGBTI. Le second axe révèle le décalage entre les attentes des enquêtés et celles des agents des institutions chargées de l’asile ou de la prévention dans leurs interactions en face à face, et les incompréhensions qui en découlent. D’un côté, les institutions sont focalisées par l’identification des « vrais » homosexuels, ceux méritant le statut de réfugié ou nécessitant plus que les autres une prise en charge en santé sexuelle. De l’autre, les requérants sont – pour la plupart, et la plupart du temps – engagés dans une logique de résistance face à cette injonction à mettre en scène leur orientation sexuelle. Dans quelle mesure l’écart d’attentes observé produit-il une forme de cécité à l’égard des expériences de l’exil ? En restituant les carrières au sein desquelles se déroulent ces expériences, la thèse s’attache finalement à mettre en lumière non seulement les effets produits par ces attentes divergentes, mais aussi la construction sociale et politique de ces dernières.
Domaines
SociologieOrigine | Version validée par le jury (STAR) |
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