Les rapports entretenus entre le silence et le droit sont protéiformes, soit que le droit crée les silences ou tente de les combler, soit que le droit tente de judiciariser le silence 1 . La consécration du droit procédural au silence s'inscrit dans cette tentative. Le droit au silence -ou droit de se tairedans le procès pénal renvoie à une problématique plus large incluant une réflexion sur le mensonge et la vérité. En droit pénal substantiel, la place du mensonge a fait l'objet de plusieurs études doctrinales, notamment dans une thèse qui fait autorité 2 . La question de la vérité dans le droit de la preuve n'est pas davantage novatrice. Au coeur du procès pénal, la question de la vérité -vérité judiciaire produite -et non vérité absolue inaccessible -et du mensonge y est importante, souvent décisive, notamment au moment où le juge forge son intime conviction 3 . Le désir de vérité est plus prégnant, du moins dans la conception française, de tradition inquisitoriale depuis le XIIème siècle marquant la rationalisation du droit pénal et l'abandon progressif du système probatoire divin 4 . Pour autant, il n'est pas évident que le droit de se taire consacrerait, par une sorte d'effet miroir, un droit de mentir. Le silence et le mensonge peuvent entretenir des liens, mais ils ne sont pas consubstantiels. En outre, la faculté de mentir -et non un droit de mentir -est la conséquence plus certaine de l'abandon du serment imposé à l'accusé. Par ailleurs, la généalogie du droit de se taire atteste qu'il serait vain d'opposer les systèmes juridiques de type inquisitoire ou accusatoire pour déceler son origine et mesurer avec certitude son développement 5 .

Alors même qu'il a connu une consécration plus évidente, en Europe, dans le système anglais, un auteur, Charlotte Girard, soutient, dans la première partie d'un ouvrage particulièrement éclairant pour notre sujet et consacré aux circonstances historiques de l'apparition du droit au silence, que ce dernier puisait, de façon assez inattendue, ses origines dans le droit canonique et dans la généralisation du serment dans la procédure criminelle 6 . En réaction, le droit de se taire serait