En-deçà de la critique, expériences de la déprise - Altérités et Territoires
Hdr Année : 2020

Beyond criticism, experiences of disengagement

En-deçà de la critique, expériences de la déprise

Résumé

How can we grasp the forms of silence and withdrawal of public expression, the processes of circumvention and displacement, experimentation and the quest for new holds, precisely by targeting situations and actors less equipped, less heroic, less organized than those to which political sociology, the sociology of mobilizations or the sociology of controversies have accustomed us? The sociologies of the environment and of mobilization tell us a great deal about the institutions that institute, the devices that upset and the actors in the grips - argumentative, moral, political, etc. - to achieve their ends. - to achieve their ends. They tell us a story in which critical processes are punctuated by controversies, rebounds and trials, and we need to reveal the inner workings to show the skills of some, the cunning of others, and the ambiguities of these assemblages. But on closer examination, they also tell us a great deal about the disengagement that actors make in order to get rid of the ends imposed on them. These disengagements - also argumentative, moral, political, etc. - tell us another story. - tell us another story in which critical processes are punctuated by incapacities, detachments and deviations that also enable them to construct ends. The central dissertation of this habilitation is devoted to this second way of telling stories. We can, in fact, reread material from which we've already told ourselves other, more or less heroic tales. But the aim of this memoir is essentially programmatic. It aims to shed light on the scope of disclaimers in situations most often marked by asymmetries and holdings. Far from reducing them to defeats of action and thought, we would like to show, on the contrary, how disenfranchisement can extricate actors from relationships that dispossess them of what makes them subjects. Letting go to respond to dispossessions, and letting go to defuse asymmetries. In short, let go is another essential means of resymmetrizing social relations. This work is the culmination of a process of reflection rooted in the first dissertation of the habilitation to direct research, devoted to the imposed figure of the auto-bibliographical narrative. However, in part, it departs from disciplinary canons. Rather than drawing a frieze, the narrative is diffracted into five problematic parts, each internally structured chronologically. While the subjects dealt with have evolved according to opportunities and professional bifurcations, there is a certain perseverance in the lines of research and theoretical filiations, which have gradually asserted themselves, constantly seeking to dispel doubt about what matters. The third dissertation brings together a series of works that help us understand how popular, cooperative and "sustainable" urban worlds have enabled us to put them to the test. The aim of this habilitation is to open up a theoretical and practical space that will enable us to loosen the vice between a critical sociology, based on the unveiling of supposedly immutable relations of domination, and a grammatical version of action, a little too focused on formats and orders of justification.
Comment saisir les formes de silence et de retrait de l’expression publique, les processus de contournement et de déplacement, d’expérimentation et de quête de nouvelles prises, en visant précisément des situations et des acteurs moins outillés, moins héroïsés, moins organisés que ceux auxquels la sociologie politique, la sociologie des mobilisations ou la sociologie des controverses nous ont habitué ? Les sociologies de l’environnement et des mobilisations nous disent beaucoup des institutions qui instituent, des dispositifs qui indisposent et des acteurs aux prises – argumentatives, morales, politiques, etc. – pour arriver à leurs fins. Elles nous racontent une histoire dans laquelle les processus critiques sont jalonnés de controverses, de rebonds et d’épreuves dont il s’agit de révéler les ressorts pour montrer les compétences des uns, la rouerie des autres et les ambiguïtés de ces assemblages. Mais à y regarder de plus près, elles nous disent aussi beaucoup des déprises que les acteurs mettent en œuvre pour se défaire des fins qu’on leur impose. Ces déprises – elles aussi argumentatives, morales, politiques, etc. – nous racontent une autre histoire dans laquelle les processus critiques sont jalonnés d’incapacités, de détachements et d’écarts qui leur permettent aussi de construire des fins. Le mémoire central de cette habilitation à diriger les recherches est consacré à cette deuxième manière de raconter les histoires. On peut en effet, relire à nouveau frais un matériau à partir duquel nous nous étions déjà raconté d’autres récits plus ou moins héroïques. Mais le but de ce mémoire est essentiellement programmatique. Il vise à mettre en lumière la portée des déprises dans des situations le plus souvent marquées par les asymétries et les emprises. Bien loin de les réduire à des défaites de l’action et de la pensée, nous voudrions au contraire montrer comment les déprises peuvent sortir les acteurs de relations qui les dépossèdent de ce qui fait d’eux des sujets. Lâcher prise pour répondre aux dépossessions et se déprendre pour désamorcer les asymétries. Bref, considérer que les déprises sont un autre moyen essentiel de resymétriser les relations sociales. Ce travail est l’aboutissement d’une réflexion qui s’enracine dans un parcours que relate le premier mémoire d’habilitation à diriger les recherches, consacré à la figure imposée du récit auto-bibliographique. Cependant, celui-ci déroge en partie aux canons disciplinaires. Plutôt que de dessiner une frise, le récit est diffracté en cinq parties problématiques, chacune structurée en interne de manière chronologique. Si les objets traités ont évolué au gré des opportunités et des bifurcations professionnelles, on constate en effet, une certaine persévérance dans les lignes de recherche et les filiations théoriques, qui se sont progressivement affirmées, cherchant constamment à dissiper le doute sur ce qui importe. Le troisième mémoire rassemble une série de travaux permettant de comprendre comment les mondes urbains populaires, coopératifs et “durables” ont permis de les mettre à l’épreuve. Il s’agit donc d’ouvrir à l’occasion de cette habilitation à diriger les recherches, un espace théorique et pratique permettant de desserrer l’étau entre une sociologie critique, fondée sur le dévoilement de relations de domination supposées immuables, et une version grammaticale de l’action, un peu trop tournée vers les formats et les ordres de justification.
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Citer

Jérôme Boissonade. En-deçà de la critique, expériences de la déprise. Sciences de l'Homme et Société. Ecole des Hautes Etudes En Sciences Sociales Paris, 2020. ⟨tel-04289575⟩
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